Bots et respect de la vie privée : compatibles ?

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La course aux Chatbots a commencé. Microsoft et Facebook, entre autres, sont au coude à coude pour être le premier à lancer le développement des Chatbots. Leur argument est que toute entreprise, petite ou grande, sera en mesure de concevoir facilement une expérience utilisateur intuitive via leurs Chatbots. Ils peuvent également atteindre environ un milliard d’utilisateurs qui ont déjà Facebook Messenger ou Skype, sans les obliger à installer une seule nouvelle application. Voilà pourquoi beaucoup d’analystes pensent que les Chatbots vont rendre les applications traditionnelles obsolètes.

Le prochain objectif pour Facebook et Microsoft ? Posséder l’écosystème des bots ! Non seulement pour la monétisation, mais aussi pour avoir accès à vos données personnelles. Facebook et Microsoft veulent vos données personnelles.

L’idée est que tout ce que vous faites sera contrôlé par Facebook. Oubliez le bouton « Like » de Facebook et le suivi de vos visites sur d’autres sites. Les plates-formes des ChatBots sont au-dessus. Au lieu de commander un Uber ou d’acheter des vêtements sur des applications individuelles, vous ferez cela sous les yeux de Facebook. L’ensemble de la transaction est enregistrée par Facebook, qui coordonne l’échange entre vous et toutes les autres entreprises.

Afin d’atténuer ce problème, Facebook devra mettre en place une sorte de canal privé (via le chiffrement de bout en bout) entre l’utilisateur et les développeurs des Chatbots. De cette façon, Facebook ne pourra connaitre que le bot auquel vous parlez, et non ce que vous lui dites. Toutefois, cela empêchera aussi la création de données conversationnelles entre les bots et les humains. Et Facebook ne pourra pas surveiller les spams et autres messages incitant à la consommation sans avoir accès à la conversation elle-même. Par conséquent, à ce jour, les Chatbots ne sont pas encore développés en tenant compte du respect de la vie privé.

En partant de ce postulat, Facebook a le potentiel pour devenir le plus grand courtier en données de tous les temps. Les sociétés traditionnelles de ce domaine, comme Acxiom et Epsilon, investissent beaucoup dans la collecte de données provenant de sources multiples : achats de supermarchés, transactions bancaires, dossiers de santé, etc. Ils travaillent également sur l’unification et l’alignement de ces données à la carte à des personnes spécifiques avant de les vendre à des marketeurs ou même aux agences gouvernementales. Ces entreprises, cependant, ont toujours été gênées par l’absence d’un identifiant unique de chaque personne. Par exemple, Ils doivent utiliser beaucoup d’heuristiques pour faire correspondre un numéro d’identifiant de votre dossier de santé avec votre identifiant de votre carte de supermarché. Facebook, qui est associé avant avec ces courtiers en données pour sa communication, pourrait ne jamais avoir ce problème d’alignement avec des Chatbots. Toutes vos conversations et les transactions sont liées à votre ID Facebook ou mobile.

Une autre zone grise pour l’avenir des Chatbots est le concept des accès et des autorisations. Sur mobile, les utilisateurs sont invités à donner l’accès à des autorisations spécifiques (par exemple les contacts, l’emplacement, la facturation, le calendrier, etc.) avant qu’une application obtienne l’accès à leurs données. Jusqu’à présent, cela n’a pas été abordé par les Chatbots. Est-ce que ces accès sont automatiquement accordés aux différents Chatbots à la discrétion de Facebook? Les utilisateurs sont impliqués dans le processus de consentement, ont-ils le contrôle sur les données exposées ?

Avec le temps, les données contextuelles seront essentielles pour ces Chatbots pour répondre parfaitement aux besoins des utilisateurs. Avec le temps, Facebook pourra opter pour une expérience utilisateur plus rapide et automatiquement accorder l’accès aux Chatbots à la géolocalisation de l’utilisateur. Si Facebook prend en charge cette tâche d’accorder des autorisations aux chatbots pour discuter, il y a faudra se poser des questions sur comment les autorisations sont accordées et à quel niveau les utilisateurs ont le contrôle sur leurs données personnelles. De façon alarmante, avec son service « Customer Matching » offert aux développeurs de Chatbots, Facebook permet à des entreprises qui ont les numéros mobiles des utilisateurs à rentrer en contact avec eux directement. Il est légitime de se demander si les informations des utilisateurs seront transférées aux entreprises avant que les utilisateurs manifestent un intérêt pour leurs services?

Par ailleurs, le succès des bots conversationnels à long terme dépend énormément des progrès dans le traitement du langage et des intentions de l’utilisateur. Dans ce domaine, les grands acteurs sont à nouveau Facebook avec wit.ai, Microsoft avec BotFramework, et IBM avec Watson. Par conséquent, ceci augmente la centralisation des données, augmentant ainsi d’autres problèmes de confidentialité. Cela fait également partie de l’expansion de Facebook et de Microsoft de développer des bots en dehors de Messenger ou Skype. Les données échangées avec un bot via les applications de messagerie comme Telegram, Slack, ou Kik, pourraient finir par alimenter l’intelligence de Facebook (et la publicité potentiellement).

En somme, Facebook et d’autres plateformes de Chatbots ont encore beaucoup à faire concernant l’équilibre entre la monétisation et la vie privée des utilisateurs.

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